Les Mayas, adeptes de la massue à pointes

La fin des cités-états mayas ne semble pas s’être accompagnée d’une spirale de violence, malgré l’utilisation d’une arme redoutable…

En matière de guerre, l’arsenal des Mayas était a priori fourni : flèches, lances, frondes, pieux à la pointe durcie au feu, couteaux, haches, gourdins ou massues hérissées de pointes ou de lames de pierres taillées, lourds coquillages, etc. Cet inventaire est dressé d’après les découvertes des archéologues et les images représentées sur divers supports. Mais il est difficile de savoir ce qui était réellement utilisé dans les combats. Les conquistadors espagnols décrivent bien que des guerriers − déterminés − les accueillent au XVIᵉ siècle sous une pluie de flèches et de pierres. Mais c’est à peu près tout. Une équipe australo-mexicaine vient cependant de montrer qu’une autre arme avait sans doute aussi les faveurs des Mayas : la massue à pointes.

Au départ, ce n’était pas vraiment l’objectif des archéologues. Eux souhaitaient mieux comprendre l’éternelle question des raisons de la crise du monde maya autour de 800 à 900 ans apr. J.-C. − improprement appelée « effondrement » de leur civilisation − qui a conduit leurs cités à se vider de leurs habitants. Des périodes de sécheresse et les énormes difficultés d’approvisionnement d’une population grandissante ont probablement joué un rôle important. Mais ce n’est pas tout, et une partie des efforts des chercheurs se concentre sur l’influence de la guerre lors de cette période troublée. Plusieurs cités semblent en effet garder les traces d’assauts, voire de massacres : Cancuen, Tonina, Dos Pilas, Aguateca, …

Cette violence est aussi manifeste dans la région étudiée par les chercheurs − le nord-ouest du Yucatan au Mexique. Notamment dans l’une de ses principales villes, Mayapan. Les premiers textes, après l’arrivée des Espagnols, décrivent une ville souvent en proie à la violence : luttes âpres entre aristocrates, révoltes fiévreuses, mercenaires faisant régner la terreur… Ceinte de remparts, clairement à vocation défensive, la ville compte plusieurs bâtiments détruits et brûlés, ainsi que des corps probablement décédés de mort violente, et ensevelis à la hâte.

En outre, se disaient les chercheurs, la guerre avait toutes les chances de prospérer dans cette région aride et broussailleuse, aux terres pauvres, propice aux famines. Le contrôle de l’une des principales ressources de la zone, le sel (page en anglais), avait de quoi fournir des casus belli récurrents. Enfin, la région, une plaine, paraissait offrir un champ de bataille idéal. Car au contraire des autres, souvent plus escarpées, recouvertes d’une forêt touffue, et fréquemment inondées, elle ne devait pas entraver les déplacements de troupes.

Les chercheurs ont donc tenté de savoir si la région était particulièrement violente, et si cela s’était accentué au fil des siècles. Pour cela, ils ont analysé les squelettes de quatorze sites archéologiques, fouillés assez récemment pour la majorité. Les dates de ces derniers s’étalent sur une très longue durée, de 600 av. J.-C. à 1500 ans apr. J.-C.

Les chercheurs se sont limités aux crânes, car le reste du corps est en général beaucoup moins bien conservé. La distinction entre fractures accidentelles et coups reçus est aussi plus difficile dans ce dernier cas. En tout, ils ont étudié un peu plus d’une centaine de crânes.

Résultat ? Rien ! Il n’y a pas d’augmentation de la violence à l’époque de la disparition des cités-états mayas. La proportion de crânes ayant reçu des coups fluctue entre 5 à 20 %, sans réellement montrer de tendance marquée. Les valeurs sont comparables aux autres régions : le terrain plat ne semble pas avoir stimulé les ardeurs guerrières. En définitive, les Mayas paraissent même plutôt pacifiques : dans 90 % des cas, les squelettes n’ont qu’une seule blessure sur leur crâne. Alors que dans d’autres populations anciennes d’Amérique, les blessures multiples sont beaucoup plus fréquentes.

La nature des blessures relevées était, en revanche beaucoup plus instructive. Elles sont en effet concentrées sur le côté gauche de leur crâne. Ce qui suggère un combat au corps à corps, les assaillants, en général droitiers, portant des coups au visage de l’autre combattant. Du même coup, cela confirmerait en partie l’une des hypothèses des chercheurs : le fait que la région soit plate semble effectivement propice aux batailles rangées. Car dans d’autres régions moins planes, la répartition des impacts est plus symétrique.

Quelle arme a provoqué ces blessures sur le côté gauche ? Le candidat le plus probable, compatible avec la forme des impacts relevés sur le crâne, semble être la massue hérissée de pointes (voir un exemple sur une stèle de la cité maya d’Uaxactun). Ce qui ne veut pas dire que les flèches et petites lances n’étaient pas utilisées. Dans un des sites étudiés, les archéologues ont ainsi découvert une pointe de flèche fichée dans l’omoplate d’une femme − une première dans l’étude des Mayas, car il est plus rare qu’elles laissent des traces sur les os.

Trace d’une blessure près de l’arcade sourcilière. Elle a probablement été causée par une massue à pointes. Stanley Serafin

Trace d’une blessure près de l’arcade sourcilière. Elle a probablement été causée par une massue à pointes. Stanley Serafin

Nicolas Constans

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