Une magnifique mosaïque découverte dans la tombe d'Amphipolis
La fouille de l’immense tombe d’Amphipolis en Grèce continue. La découverte d’une impressionnante mosaïque suggère qu’elle renferme un membre proche de la famille d’Alexandre le Grand.
Pour les toutes dernières photos de la mosaïque entière, avec Perséphone :
Chi va piano, va sano. Depuis l’été, les archéologues grecs qui ont pénétré l’intérieur de la plus grande tombe de Grèce progressent lentement. Il faut dire que la pêche est plutôt miraculeuse. Deux magnifiques sphinx, sans tête, dès l’entrée. Puis deux impressionnantes cariatides, de très grandes statues de femmes minutieusement exécutées. L’orée d’une mystérieuse quatrième salle, en bas d’un escalier sans doute, est apparue. Il faut avancer précautionneusement, et enregistrer un maximum d’informations.
Mais la fouille vient de franchir une nouvelle étape. Les archéologues avaient jusqu’ici dégagé en partie trois salles. Et la seconde paraissait étrangement vide. Quand les archéologues l’ont complètement vidée de la terre qui la remplissait, ils ont compris pourquoi. Elle renfermait une mosaïque de tout petits galets de plusieurs couleurs. « Une découverte sensationnelle » commente l’historien grec Miltiade Hatzopoulos. Elle représente Hermès conduisant les deux chevaux d’un char sur lequel se trouve un homme barbu, coiffé d’une couronne de feuilles et drapé d’une toge rouge. Hermès est reconnaissable à ses sandales ailées, son chapeau, sa cape et son bâton, le caducée. Quant au personnage barbu, il rappelait un peu Philippe II, le père d’Alexandre le Grand, représenté de cette façon sur certaines monnaies. Mais il s’agit plus vraisemblablement d’Hadès, le dieu des Enfers.
Derrière ce dernier, la mosaïque n’était pas complètement dégagée, encore, dimanche : il y avait alors éventuellement la place pour un troisième personnage. Plusieurs commentateurs, dont l’historien Miltiade Hatzopoulos, citaient alors déjà Perséphone, fille de la déesse Déméter. La révélation de la totalité de la mosaïque, révélant une femme vêtue d’une tunique blanche, le confirme aujourd’hui. « La mosaïque évoque clairement une scène classique de la mythologie, l’enlèvement de Perséphone. Or c’est précisément cette scène qui est dépeinte dans deux tombes royales de la dynastie macédonienne. » La première figure sur le trône de la « tombe d’Eurydice » du nom de la grand-mère d’Alexandre le Grand, qui pourrait en être l’occupante − la tombe, bien datée, est à peu près contemporaine de sa mort. La seconde était dépeinte sur le fronton d’un tombe royale, près de celle du père d’Alexandre. Dans une interview, l’archéologue responsable de la fouille laisse entendre, sans toutefois le confirmer officiellement, que la tombe d’Amphipolis serait celle d’un des membres de la famille d’Alexandre le Grand.
Dans la mythologie grecque, Hadès enlève Perséphone pour l’emmener aux Enfers, plongeant sa mère Démeter, déesse de l’agriculture et des moissons, dans le chagrin. Mais Zeus finit par accorder à cette dernière d’avoir sa fille avec elle la moitié de l’année, donnant naissance aux saisons.
La scène représentée est clairement funéraire − le dieu Hermès est en effet celui qui mène les âmes aux Enfers. Cela lève définitivement les doutes qu’avaient certains archéologues sur la nature du monument : il s’agit bien d’une tombe. Beaucoup avaient glosé, en effet, sur l’absence de porte, qui fermait habituellement les tombes macédoniennes de cette époque. Mais la fouille a mis au jour il y a peu les débris d’une porte en marbre dans les remblais. Elle se place à l’entrée de la troisième salle, juste après la mosaïque.
Il y a aussi un trou, pour le moment inexpliqué, dans la mosaïque, d’environ 80 centimètres de diamètre. Galerie de pilleurs, érosion dû à un écoulement d’eau, choc, on n’en connaît pas la raison. Mais les débris en sont assez largement présents dans les remblais. Des restaurateurs devraient donc pouvoir reconstituer en partie la région manquante.
Des inscriptions ?
Selon une chercheuse américaine, Dorothy King, le ministère de la culture grec n’aurait pas rendu publique une découverte faite début 2014. Elle relierait en fait Alexandre à la ville d’Amphipolis. Et pourrait du même coup lier ce monument au conquérant. L’inscription, si c’en est une, parlerait des « chevaux d’Alexandre ». Cette information, si elle était confirmée, renforcerait l’une des principales hypothèses sur le rôle de ce monument. Ce serait une tombe qu’Alexandre le Grand se serait fait construire pour lui-même, mais qu’il n’aurait pas occupé, les aléas de sa succession ayant finalement conduit son corps en Égypte, à Alexandrie.
Comme l’ouverture de la tombe n’a commencé a priori qu’à l’été, cela signifierait que les archéologues auraient trouvé cette inscription à l’extérieur du tumulus : sans doute sur les pierres du mur d’enceinte, ou devant l’entrée au sphinx. Ou encore au sommet du tumulus, là où se trouvent les fondations du piédestal de la statue du lion (voir les liens ci-dessous). La presse grecque avait annoncé la découverte de deux inscriptions début septembre, que le ministère avait ensuite mollement démenti.
Cette fouille a fait l’objet d’un mini-dossier en deux parties sur ce blog :
Cette page connaîtra des mises à jour en fonction de l’avancée des découvertes, que vous pouvez suivre sur mon compte Twitter.
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Nicolas Constans
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