Chroniques archéologiques n°1

Quelques petites nouvelles de l’archéologie, tirées des publications des chercheurs.


Un utérus de pierre

« Mais qu’est-ce le crâne de cette femme fait donc dans son bassin ? » se demandait une équipe d’archéologues britanniques fouillant un cimetière anglais des XVIe-XIXᵉ siècle. En fait de crâne, ils tombent sur une curieuse boule brune-orangée. Du calcaire. L’examen de celui-ci en laboratoire va leur fournir la solution : il s’agit d’un assemblage de fibromes de l’utérus, qui s’est calcifié. Dans de très rares cas en effet, ces petites tumeurs bénignes grossissent jusqu’à atteindre la taille d’un pamplemousse, voire carrément, comme ici, d’un ballon de rugby. Lequel finit fréquemment par solidifier, car la circulation sanguine dans cette grosse masse est souvent difficile. Les carbonates et autres sels de calcium ne sont plus évacués et s’accumulent.

Énigme résolue, donc, pour les archéologues. Mais que pouvait donc bien penser cette vieille femme pauvre de la campagne anglaise, de ces trois kilos de pierre logés aux fonds de ses entrailles ? Et qui lui rendaient l’air, pensent les chercheurs, perpétuellement enceinte ?

Source : la publication scientifique : G. Cole et al., International Journal of Paleopathology, 10, 51‑57, 2015. Et des photos ici.


Palmyre et son village musulman

Après la destruction du Temple de Bel à Palmyre, trois chercheurs français reviennent sur son histoire. Ils montrent bien notamment comment les archéologues français de la première moitié du XXᵉ siècle, férus d’Antiquité, de monuments et de religions ont fait raser le village musulman du Moyen Âge qui l’entourait alors. Il s’agissait de rendre au monument sa pureté et majesté d’antan.

Les auteurs ne peuvent s’empêcher de se demander ce qui se serait passé aujourd’hui si cette mise en scène des ruines antiques n’avaient pas eu lieu. « Les assassins de l’[État islamique] », écrivent-ils, n’auraient peut-être pas vu dans le Temple de Bel le symbole d’un « patrimoine décrété universel par une culture “occidentale” ». Et dans ce cas, l’auraient-ils détruit ?

Source : Les Carnets de l’Ifpo


Homme de Florès : l’autre grotte

Y a-t-il d’autres restes de l’homme de Flores voire ses outils dans une ancienne grotte ? Une analyse préliminaire par une équipe internationale indique en effet que cette cavité, attenante au site indonésien où les archéologues l’ont découvert en 2003, pourrait contenir d’autres vestiges. Sorte d’hominidé archaïque nain, contemporain des humains actuels pendant des dizaines de milliers d’années, l’homme de Flores continue de rester une énigme.

Source : La publication scientifique


Un livre sur une découverte majeure

Le site de Göbekli Tepe est exceptionnel : c’est le premier monument de l’histoire de l’humanité : il a été bâti il y a 12 000 ans, bien avant les menhirs et dolmens, avant l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, des civilisations, de l’écriture, etc. Bref, il est unique en son genre.

Le livre évoquant sa découverte, « Le premier temple » paraît pour la première fois en français. Son auteur, Klaus Schmidt, est le principal archéologue qui a découvert en 1994 et étudié ce site dans l’est de la Turquie. Disparu prématurément il y a un an, il laisse ce précieux témoignage, dont il avait rédigé une première version allemande en 2007, plusieurs fois réactualisée.

Göbekli Tepe se compose notamment d’étranges et massives stèles en forme de T, sur lesquelles sont sculptés des animaux sauvages : serpents, aurochs, araignées, renards, sangliers, fauves… Elles sont disposées en cercles ou en demi-lune, et entourées d’enceintes en pierres. L’ouvrage fait le récit des découvertes faites dans ce site très riche, tout en les replaçant dans le contexte de la région (et notamment Nevalı Çori, un site turc plus récent aujourd’hui sous les eaux d’un barrage, qui présente beaucoup de similitudes avec Göbekli Tepe).

Source : Service de presse


Pas de chien dans la grotte Chauvet

Un enfant accompagné de son chien a-t-il foulé le sol de la grotte Chauvet, il y a vingt six mille ans ? La scène était tentante pour les premiers scientifiques qui découvrirent des empreintes dans le sol d’une des plus anciennes et des plus imposantes grottes de peintures préhistoriques, située dans l’Ardèche. Mais l’animal serait plutôt un loup, ou un dhole (un genre de lycaon qui vit aujourd’hui essentiellement en Asie), selon une première analyse de deux chercheuses françaises. Et rien ne prouvait, de toute façon, qu’il ait trottiné en même temps que l’enfant, car leurs traces ne sont pas parallèles ni ne se recoupent.

La présence d’un chien à une époque aussi ancienne est loin d’aller de soi. Car si certains chercheurs défendent depuis quelques années l’apparition du chien justement à partir d’il y a trente mille ans − issu de la domestication de loups − un grand nombre de leurs collègues restent sceptiques. Ils estiment que les preuves vraiment tangibles et abondantes de la première domestication de l’histoire de l’humanité, arrivent bien plus tard, il y a environ quinze mille ans.

Il n’empêche que la visite de cet enfant − seul ? − dans cette immense cathédrale minérale, découvrant à la lueur de sa torche les animaux dessinés plusieurs milliers d’années auparavant, a de quoi interroger.

Source :**publication scientifique : ** L. Ledoux et M. Boudadi-Maligne, Journal of Archaeological Science, 61, 25‑35, 2015.


Nicolas Constans

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