Duo de monnaies dans l'escarcelle des Vikings
Une jeune chercheuse vient de montrer qu’après avoir colonisé une partie de l’Angleterre au IXᵉ siècle les Vikings n’y utilisaient pas une mais deux monnaies. Pourquoi ?
Elle a failli basculer totalement sous la coupe des Vikings. Mais que s’est-il vraiment passé quand l’Angleterre s’est mise (un peu) à parler scandinave ? Le sait-on vraiment ? Faute de textes qui décrivent comment se sont mêlées des sociétés si différentes, il faut bien, comme souvent, recourir aux vestiges qu’ils ont laissé dans le sous-sol. A commencer par le nerf de la guerre. Lequel était, pour les Vikings du moins, l’argent.
En 789 apr. J.-C., trois bateaux venus du « Nord » arrivent sur une petite île au sud de l’Angleterre. Un officiel s’avance à leur rencontre, afin de les conduire au manoir royal. Les mystérieux visiteurs ne lui en laissent pas le temps : ils le tuent et repartent. Quatre ans plus tard, d’autres navires accostent sur une île plus au nord, près de l’Ecosse. Ils la pillent, massacrent ses habitants et en dévastent l’église. Ce premier raid viking de l’histoire ne sera pourtant qu’un coup de semonce. Car, pendant les quarante ans qui suivent, c’est le calme plat dans les annales anglaises.
Mais les Vikings sont bien là. Ils vont et viennent, établissent des camps dans le sud-est de l’Angleterre. Et dans les années 830, les razzias reprennent. Suivies, bientôt, par des batailles rangées. Plusieurs courriers échangés dans les capitales royales témoignent de l’effroi qui saisit alors l’Europe. Les Vikings ne se contentent plus de seuls butins. Désormais, ils veulent des terres.
En 869, ils rassemblent une grande armée et jettent leur dévolu sur le petit royaume d’Est-Anglie, au nord-est de Londres. Peu à peu, leurs troupes grossissent, sans doute grâce au renfort d’autres flottes vikings guerroyant dans l’archipel britannique. Leur progression semble inexorable. Un à un, les principaux royaumes du centre de l’Angleterre tombent. Ensuite, les Vikings commencent à descendre vers le sud, menaçant le jeune roi du Wessex, Alfred, contraint de se cacher dans des bois et des marais, en 878. Mais dans les mois qui suivent, ce dernier parvient à réunir suffisamment de forces pour infliger une défaite aux Vikings, et les amener à cesser les hostilités.
Pour l’heure, Alfred a sauvé son royaume, mais les Vikings, eux, sont partis pour rester. D’ailleurs, un traité la même année entre le roi et un chef viking nommé Guthrum, a miraculeusement survécu. Il semble définir une zone désormais sous contrôle viking, appelée plus tard le Danelaw (« sous loi danoise »), et couvrant approximativement une moitié nord-est de l’Angleterre (voir précisions en encadré).
Incontestablement, les Vikings vont y laisser leur marque. Aujourd’hui, des sculptures, des tombes et des armes témoignent de leur influence. Beaucoup de noms de lieux en Angleterre sont d’origine viking et se concentrent justement dans le Danelaw. Des analyses génétiques et des fouilles suggèrent que les populations anglo-saxonnes et vikings semblent s’être mélangées. Les chercheurs savent aujourd’hui que la population viking était loin d’être négligeable dans certaines régions anglaises, incluant une forte proportion de femmes.
Mais comment fonctionnait cette société « multiculturelle » ? Par exemple, les Vikings se sont-ils comportés en colons, forçant la population à utiliser leur propre monnaie ? Hormis une région au nord-ouest, vers l’Irlande, les historiens pensent que non. Au contraire, arrivés en Angleterre, les Vikings auraient découvert les avantages des pièces anglaises, les poussant à remiser leur monnaie primitive. En effet, les Vikings n’utilisaient pas de pièces de monnaie, mais de l’argent (le métal) au poids (voir encadré). Se délestant de leurs encombrantes balances, ils auraient constaté à quel point il était plus pratique de compter des pièces. Dès les années 870, en effet, certains rois vikings émettent des monnaies à leur nom. Pas de révolution : ils reprennent les habitudes anglo-saxonnes et continuent de faire frapper des pièces de bonne qualité en abondance.
Il y a une quinzaine d’années, un numismate et un archéologue britanniques, Mark Blackburn et James Graham-Campbell, avaient bien signalé quelques découvertes d’argent « au poids » dans certains régions anglaises, les amenant à suggérer que cette « monnaie » viking y avait peut-être aussi circulé. Mais les cas semblaient trop isolés pour convaincre les numismates. D’ailleurs, les archéologues n’en trouvaient pas dans le sud de la zone, là où les Vikings s’étaient particulièrement concentrés.
Mais entre-temps, les découvertes se sont accumulées. Une jeune chercheuse de l’University College de Londres, Jane Kershaw, vient d’en publier l’analyse. Elle a répertorié et localisé plus de 180 découvertes de métal argent en Angleterre, datant de l’époque viking (voir encadré sur les conditions de leur mise au jour). Celles-ci ont toutes les caractéristiques de la monnaie au poids des Vikings, qui l’utilisaient sous toutes sortes de formes : des lingots, des ornements et des pièces étrangères (coupés en morceaux pour correspondre à un poids précis fixant le montant de la transaction).
Comme en Scandinavie, ces pièces sont en général des… dirhams. Le métal argent qui coule à flots à cette époque dans le nord de l’Europe vient en effet des opulentes dynasties du monde islamique. Pour le peser, celles-ci utilisaient des poids standardisés, en forme de cubes aux coins tronqués ou de billes allongées, que les Vikings vont importer… et amener avec eux en Angleterre, comme l’a montré l’étude de Jane Kershaw.
Bref, les Vikings n’ont donc pas abandonné leurs habitudes monétaires en arrivant en Angleterre. Dans le Danelaw, leur argent « au poids » a circulé en même temps qu’ils émettaient des pièces anglaises. Et ce, pendant des décennies : entre 860 et 940, selon les estimations de la chercheuse (voir encadré). « L’étude est solide », souligne Jens Moesgaard, du Musée national du Danemark.
Mais alors, pourquoi s’encombrer de deux monnaies ? La première hypothèse est celle d’une ségrégation forte : Vikings et Anglais ne se mélangeaient pas, chacun gardant sa monnaie. Mais il est peu vraisemblable que les deux économies aient vraiment fonctionné en parallèle. Il y avait forcément des échanges et, par conséquent, nécessité de convertir de l’une à l’autre des monnaies. Or, visiblement les Vikings ne découpaient pas les pièces anglaises et n’en testaient pratiquement jamais l’argent. S’ils n’en n’éprouvaient pas la nécessité, c’est probablement parce qu’ils en reconnaissaient tout à fait la valeur monétaire. Difficile de croire, donc, à une ségrégation complète. En d’autres termes, les bourses des habitants du Danelaw voyaient sans doute passer pièces anglaises, dirhams en morceaux et bouts de bracelet. Peut-être les utilisaient-ils pour différentes choses, un peu comme un homme actuel paie son pain en pièces et un meuble en carte bancaire ?
Un autre morceau du puzzle est que les archéologues retrouvent peu d’argent au poids dans les villes du Danelaw, même celles qu’ils ont pu fouiller relativement en détail. Pourtant, en Scandinavie, c’est l’inverse : le métal au poids abonde dans les cités. Sans doute est-ce lié au fait qu’en Angleterre les ateliers qui fabriquaient et frappaient les monnaies se trouvaient dans les villes. Peut-être qu’il y était interdit d’utiliser d’autres monnaies que les pièces ? Ou peut-être que tout l’argent y arrivant était-il rapidement fondu pour fabriquer ces dernières ?
Une autre raison avancée par Jane Kershaw est la fraude fiscale. Un roi peut tout à fait décider que les pièces de monnaie en circulation doivent être refrappées pour en modifier la valeur et prélever au passage des frais − donc un impôt. Autrement dit, pour les Vikings éparpillés dans les campagnes anglaises, le métal argent aurait été un moyen d’échapper à tout contrôle. C’est peut-être aussi une indication que le pouvoir viking avait du mal à s’exercer pleinement dans la campagne anglaise. Ces Vikings auraient évité du même coup le risque d’une dévaluation et la circulation de fausses pièces.
Mais pourquoi conserver aussi longtemps ces deux monnaies ? D’abord parce que payer avec l’argent au poids était pratique : avec les lingots, les Vikings pouvaient conclure facilement des transactions de montant élevé (dot, terres), tandis qu’avec les morceaux de dirhams, beaucoup plus légers, ils étaient en mesure d’effectuer leurs tout petits achats du quotidien (nourriture, etc.) En outre, les Vikings d’Angleterre pouvaient continuer de commercer avec la diaspora viking établie en Irlande ou en Ecosse, et celle restée en Scandinavie.
Il y a enfin la force de l’habitude, dans un domaine où − l’arrivée de l’euro l’a confirmé un millénaire plus tard − chacun a tendance à être plutôt conservateur. Conserver la petite routine − couper ses dirhams, peser son argent, tester celui qu’on vous tend − était sans doute commode et rassurant pour certains Vikings. Et peut-être aussi une manière de se rappeler qu’au fil des décennies passées sous le crachin anglais ils étaient toujours un peu scandinaves.
Nicolas Constans
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Compléments
La publication scientifique : J. Kershaw, Antiquity, 91, 173‑190, 2017.
Les Vikings en France
Juste après avoir combattu le roi Alfred, la grande armée viking embarque sur des centaines de navires, traverse la Manche et s’attaque au royaume de France. Sept ans plus tard, les Vikings remontent la Seine et soumettent Paris à un siège, qui n’est levé qu’après paiement d’un lourd tribut et la livraison de la Bourgogne au pillage. Une vingtaine d’années plus tard, ils s’installeront pour de bon. Le roi Charles le Simple, vers 911, cède en effet la basse vallée de la Seine au chef viking Rollon. Le duché de Normandie est en train de naître, d’où partira un siècle et demi plus tard, la flotte de son lointain descendant, Guillaume le Conquérant, pour faire valoir ses droits sur le trône d’Angleterre. Pour ce qui est de la monnaie, en Normandie, les Vikings ont fait différemment. Ils semblent avoir tout de suite adopté la monnaie locale (les découvertes d’argent au poids sont rarissimes).
Le Danelaw, un royaume viking ?
Pendant ce temps, le Danelaw vit au rythme des incessants combats agitant le territoire anglais. En effet, pas sûr que les frontières mentionnées entre le roi Alfred et le chef viking Guthrum aient été longtemps gravées dans le marbre. D’autres traités, aujourd’hui disparus ont sans doute rendu compte d’avancées et de reculs des frontières, les rois du Wessex profitant de cette invasion viking pour agrandir leur territoire, ce qui commence à donner naissance au royaume d’Angleterre. Quant aux Vikings, nul ne sait vraiment s’ils administraient de manière centralisée un territoire aussi vaste, ou s’il s’agissait de quelque chose de beaucoup plus morcelé. Toujours est-il qu’une forme de juridiction spéciale semble avoir existé pour certaines zones vikings, qu’il s’agisse de véritables enclaves ou de simples zones d’influence. Les guerres pour le contrôle de l’Angleterre vont continuer, avec notamment un retour de la domination scandinave pendant une trentaine d’années un peu après l’an mil. L’héritage viking, lui, semble avoir persisté surtout dans les régions proches de l’Ecosse, où la reprise en main anglaise a été plus longue à se dessiner. Une étude récente d’une doctorante de l’université de Nottingham semble, en effet, suggérer que l’usage de la langue scandinave s’y est plus longtemps maintenu.
D’autres exemples de doubles monnaies
Le Danelaw n’est pas, loin s’en faut, le seul exemple historique de circulation de plusieurs monnaies. En Grèce ancienne, des lingots d’argent ont temporairement coexisté avec les premières pièces de monnaie. En Nouvelle-Guinée aujourd’hui, billets de banque et monnaies continuent de voisiner avec les coquillages, comme dans d’autres parties du monde.
Bien peser son argent
En Europe de l’Ouest, les royaumes battaient monnaie sous forme de pièces d’argent. Tandis qu’en Scandinavie et dans le nord-est de l’Europe, les populations utilisaient comme monnaie de l’argent au poids (sans doute aux côtés d’autres plus traditionnelles : du fer, des tissus et des fourrures, etc.) Dans ces régions, les archéologues retrouvent en effet l’argent en grande quantité, sous forme d’accumulation d’éléments assez hétéroclites : lingots, ornements (souvent des bracelets), tiges ou pièces étrangères, tous coupés en petits morceaux, parfois minuscules.
Pourquoi les archéologues estiment-ils qu’il s’agit bien d’une monnaie ? Parce qu’ils ne retrouvent pas les morceaux d’un même objet ensemble, ce qui suggère que ces derniers ont vécu leur vie chacun de leur côté, passant entre de nombreuses mains. Bref, qu’il s’agissait bien d’une monnaie courante. Parfois, des fouilles archéologiques plus précises ont pu montrer que cet argent au poids se répartissait comme les pièces de monnaie (par exemple près des routes, carrefours, etc.) Les restes de balance sont également nombreuses dans les villes et anciennes places de marché de cette époque. Enfin, les Vikings devaient probablement retirer immédiatement l’argent de mauvaise qualité de la circulation. Car les analyses chimiques des lingots montrent que ceux-ci étaient assez purs la plupart du temps.
Les dirhams venaient des dynasties islamiques (péninsule Arabique, actuel Iran, Asie centrale, etc.) Entre 840 et 940, les numismates ont comptabilisé plus de 170 000 dirhams en Scandinavie, sans compter tous ceux que les Vikings ont fondu pour fabriquer des lingots. Ils les échangeaient vraisemblablement en Russie, contre des fourrures et des esclaves.
Des monnaies qui ont coexisté pendant des décennies
Au Danelaw, les pièces et l’argent au poids ont donc coexisté pendant des décennies. Comment la chercheuse a-t-elle pu le déterminer ? Pour les pièces anglaises, c’est assez facile, car les numismates savent dater leurs différents modèles avec précision. Pour l’argent au poids, c’est une autre affaire − à l’exception des dirhams, dont les numismates connaissent la période d’émission, parfois assez précisément. Dans le Danelaw, les plus anciens, peu nombreux, datent de 730, soit bien avant les premiers raids vikings connus. Ce n’est en fait pas surprenant, car les numismates savent qu’ils ont continué à être en circulation dans les pays musulmans bien après le début de leur émission. Prudemment, la chercheuse place donc le début de la circulation de l’argent au poids plus d’un siècle plus tard, à partir du moment où les Vikings font leurs premières conquêtes en Angleterre, vers 860-870. Quant aux dirhams les plus récents, ils ont été émis vers 930. Mais selon la chercheuse, ils ont probablement mis une dizaine d’années à atteindre l’Angleterre. Elle conclut donc que l’argent au poids a sans doute circulé pendant au moins huit décennies, entre 860 et 940. D’ailleurs, les bijoux en argent coupés et les poids nécessaires à la pesée du métal qui ont pu être datés − car dégagés par des archéologues − tombent bien dans cette période.
Mais attendez… les découvertes dont on parle ici n’ont pas toutes été réalisées par des archéologues ? Hélas, non.
L’ombre des poêles à frire
En effet, comme souvent en matière de monnaie, l’origine des découvertes est un peu sulfureuse. Du moins en France. Car la Grande-Bretagne et quelques pays ont fait un choix très particulier. C’est celui d’organiser la pratique des « amateurs » qui promènent leurs détecteurs de métaux au-dessus du sol pour y découvrir des vestiges. A moins qu’une découverte ne soit considérée comme un « trésor » pour la législation britannique (par exemple, celles qui comportent une proportion d’or ou d’argent supérieure à 10 % du poids total des objets métalliques), ils n’ont pas l’obligation de la déclarer. Les autorités les invitent cependant à le faire, via un système appelé le Portable Antiquities Scheme, estimant matériellement impossible à la police de les contrôler et pariant sur leur responsabilisation à long terme. C’est par ce biais que les découvertes dont il est question ici ont été répertoriées. Encourager la pratique de la détection dite « de loisir » permet d’accélérer mécaniquement la quantité de découvertes et fait donc à sa manière progresser les connaissances. Mais à quel prix ?
Pour les numismates, la découverte d’une pièce est déjà en soi un document précieux, riche d’informations. Mais ne considérer que celles-ci, c’est se priver de beaucoup d’autres. Aujourd’hui, les divers spécialistes qui travaillent dans des laboratoires d’archéologie sont capables selon les cas non seulement de dater la pièce de monnaie, mais de savoir si elle était contenue dans une bourse aujourd’hui disparue, si elle a été délibérément enterrée ou simplement perdue, de quels arbres et plantes étaient composés le paysage qui l’entourait, si le champ où elle se trouvait recevait de l’engrais, si on y faisait paître plutôt des vaches ou des moutons, etc. Toutes choses bien difficiles à déceler une fois qu’un détectoriste pressé y a enfoncé de grands coups de pelle.
« Qu’on le veuille ou non, explique Vincent Carpentier, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), la plupart des découvertes de monnaie, y compris en France, sont réalisées dans un contexte non officiel et les détectoristes y contribuent aujourd’hui très largement. » Pour l’archéologue, il est du devoir des scientifiques de collecter ces données historiques, malgré leur origine − la pratique est totalement illégale en France, à l’inverse de la Grande-Bretagne. « Mais il est impératif que des fouilles dignes de ce nom soient menées par ailleurs, afin de disposer d’un référentiel précis auquel comparer les données des détectoristes. » Sans cela, « impossible de mettre en œuvre un réel raisonnement scientifique », et les archéologues en sont réduits à de simples conjectures. Or, justement, « l’époque viking se caractérise par des brassages de populations, par une mosaïque de bouleversements sociaux et économiques, etc. Tout cela est très difficile à percevoir sans des fouilles rigoureuses. Sans cela, on risque erreurs et contre-sens. »
Sur le plan scientifique, les données des détectoristes posent d’autres problèmes. Par exemple, ceux-ci ne mènent pas de prospections systématiques. Ils vont droit là où ils pensent trouver quelque chose, et promènent leur « poêle à frire » dans les champs relativement dégagés, évitant les taillis impénétrables, et restant généralement à portée de marche du réseau routier. Le Portable Antiquities Scheme annonce que sur un million d’objets enregistrés, 88 % peuvent être situés dans un rayon d’à peu près une quinzaine de mètres, voire beaucoup moins. Pour des statistiques à grande échelle, c’est probablement suffisant, mais il ne faut sans doute pas demander beaucoup plus à ce type de données.
Un cadre français plus protecteur
Vu de ce côté-ci de la Manche, le choix anglais paraît donc éminemment risqué, sinon carrément suicidaire. Les archéologues français, qui découvrent régulièrement leurs chantiers de fouilles criblés des trous de pillards, ont du mal à imaginer comment ces derniers pourraient se transformer en amateurs désintéressés si la loi britannique avait cours sur le sol hexagonal. La législation française, elle, s’appuie sur le déclenchement automatique de recherches archéologiques, en cas de chantier de construction sur les zones contenant des traces significatives des activités humaines passées (l’archéologie préventive, et son Institut national de recherches). Un système qui a permis lui aussi une accélération des découvertes depuis une quinzaine d’années, mais de manière contrôlée.
Surtout, depuis juillet 2016, la loi française a définitivement tourné le dos aux trésors, découverts « par le pur effet du hasard ». Celui qui trouve des vestiges qu’il est intéressant scientifiquement de conserver, n’est plus libre, comme avant, de les vendre (il devait en partager le produit avec le propriétaire du terrain). Désormais, ce sont des biens communs, ils appartiennent à l’Etat. Ce qui n’empêche en rien les passionnés d’archéologie de goûter au plaisir de la découverte en participant aux chantiers de fouilles ouverts chaque année aux bénévoles.