Qui est enterré à Amphipolis ?
Amphipolis
C’est Athènes qui fonde Amphipolis en 436-37 av. J.-C. près du royaume de Macédoine. La cité grecque cherche à s’installer dans un région aux ressources stratégiques, celle de la la montagne sacrée du Pangée : or, argent et bois de qualité pour la construction navale. Après un bref passage sous la coupe de Sparte, elle devient indépendante en 421 av. J.-C. Puis le père d’Alexandre s’en empare un peu plus de soixante plus tard, tout en prenant soin de lui laisser une autonomie partielle. Elle deviendra une des principales bases militaires d’Alexandre et son père pour leurs expéditions en Asie et vers la Mer noire. Elle dispose en effet d’un port sur la Méditerranée, à quelques kilomètres. C’est aussi une cité commerçante prospère, située à l’intersection de deux importantes routes.
Qui est Alexandre le Grand ?
C’est d’abord un fils qui poursuit l’œuvre paternelle. Son père Philippe II, roi de Macédoine, a battu Athènes et une bonne partie des cités grecques. Il compte reprendre celles d’Asie mineure, dans la Turquie actuelle, aux Perses qui s’y sont installés depuis deux siècles. Mais il meurt assassiné en 336 av. J.-C. Son fils Alexandre, qui n’a pas encore vingt ans, lui succède. Cinq ans lui suffisent pour vaincre le roi des Perses. Mais la guerre n’est pas finie. La résistance des provinces de l’immense empire perse pousse Alexandre à aller toujours plus loin vers l’Orient. Il s’arrête aux portes de l’Inde, tentant brièvement de conquérir ce territoire alors totalement inconnu. Il revient finalement en arrière, et tente de consolider son nouvel empire. La tâche est difficile, y compris dans son propre pays. Car en absorbant l’empire perse, son armée et sa cour s’orientalisent, provoquant de vives tensions dans les rangs macédoniens. Il n’y parvient pas et meurt de maladie en juin 323, à trente-deux ans.
Qui était l’occupant de la tombe ?
Dans les tombes de cette période, il n’y a en général pas d’inscriptions permettant de connaître à coup sûr l’identité de l’occupant. C’est le cas par exemple pour la tombe probable du père d’Alexandre, découverte en 1977.
Pour Amphipolis, voici une petite revue de détail des candidats potentiels (morts pendant la période avancée par les archéologues, entre 325 et 300 ans av. J.-C.) C’est l’époque de la succession d’Alexandre, véritable saga riche en personnages hauts en couleur.
L’un des compagnons d’Alexandre ?
Comme l’écrira la mère d’Alexandre dans une lettre à son fils parti en Asie, « des amis tu fais des rois». En effet, un peu comme le Portugal ou l’Espagne d’après la conquête de l’Amérique, la Macédoine après Alexandre n’a plus rien à voir avec celle d’avant. Elle est immensément riche. En d’autres termes, nombre des généraux et compagnons d’Alexandre étaient en mesure de se faire bâtir un mausolée somptuaire.
- Néarque, le commandant de sa flotte. C’est le nom le plus fréquemment cité. C’est lui qu’Alexandre lance à la découverte du Golfe persique, alors que l’armée est arrivée à l’Indus, dans le Pakistan actuel. À la tête de la flotte, Néarque se sort sans dommage de cette mission périlleuse, ouvrant la première route maritime vers l’Inde. Et surtout, il en relate le périple. Ce témoignage, rapporté par un auteur romain, est l’un des principaux textes dont les historiens disposent sur les conquêtes d’Alexandre. Or ce Crétois, dont la date de décès est malheureusement inconnue, s’était établi à Amphipolis.
- Un ami d’enfance, dignitaire du régime, Laomédon. S’est établi à Amphipolis.
- Un général d’Alexandre et de son père, Antipater. C’est lui qui gouverne la Macédoine pendant l’absence d’Alexandre. Mais il entretient des relations très difficiles avec la mère du roi, et s’oppose au changement de régime, plus oriental et autoritaire, amorcé quand Alexandre rentre d’Asie. Il meurt en 319 av. J.-C.
Des membres de sa famille ?
- Sa mère, Olympias. présentée par les textes comme une manœuvrière et une conspiratrice. Elle fait assassiner l’un des prétendants au trône, le demi-frère d’Alexandre retardé mental, et sa femme. Un autre prétendant, Cassandre, fils d’Antipater, la fait exécuter en 316 av. J.-C.
- Sa femme, Roxane, et son fils, Alexandre IV. C’est la fille d’un chef important des tribus des contreforts de l’Himalaya, que conquiert Alexandre. C’est probablement pour s’attirer leurs bonnes grâces que ce dernier épouse Roxane. Elle est enceinte quand il meurt. Elle conspire alors pour que son fils devienne le successeur de son père. Elle fait assassiner la seconde épouse d’Alexandre à cette époque. Mais Cassandre la fait enfermer à Amphipolis avec son fils. Puis il les fait assassiner en 309 av. J.-C. Miltiade Hatzopoulos n’est pas convaincu : « J’ai du mal à imaginer la tombe d’une femme et d’un enfant surmonté de cet immense lion triomphateur. » Certains commentateurs spéculent sur l’absence d’attributs mâles pour le lion, qui serait en fait une lionne, symbole d’une reine… une hypothèse sans beaucoup de précédents.
En outre, dans les années 1970-80, des archéologues avaient trouvé une tombe à côté de celle du père d’Alexandre. Elle contenait les restes d’un enfant de treize-quatorze ans. Beaucoup de chercheurs pensent qu’il s’agit du fils d’Alexandre. Il ne pourrait donc être à Amphipolis.
Des rois macédoniens ?
Après la mort d’Alexandre, le partage de l’empire donne lieu à une terrible guerre de succession entre ses anciens généraux. Parmi eux, deux rois importants sont morts à l’époque de construction de la tombe.
- Cassandre. Le fils d’Antipater a épousé la demi-sœur d’Alexandre. À la mort de ce dernier, il devient le tuteur de son fils. Puis il règne sur la Macédoine à partir de 316 av. J.-C. Il meurt en 299 av. J.-C. Le lieu de sa sépulture est inconnu.
- Antigone le Borgne. Grand général macédonien, il va peu à peu se rendre maître d’une zone centrée sur la Turquie actuelle. Mais ses visées expansionnistes lui seront fatales. Il meurt en 301 av. J.-C. lors d’une bataille face à une coalition de ses rivaux. Les textes rapportent qu’on l’a enseveli avec les honneurs royaux, mais nous ne savons pas où.
Personne ?
Et si la tombe était vide ? En effet, il pourrait s’agir d’un monument funéraire qu’Alexandre se serait prévu pour lui-même, mais qu’il n’aurait pu occuper en raison de sa mort à l’étranger (à Babylone.) Car tous les textes sont unanimes : il a bien été enterré en Égypte. C’est son frère d’armes Ptolémée qui y a ramené son corps momifié. Il le fait alors enterrer parmi les nécropoles pharaoniques de Saqqarah en 322 av. J.-C. (un an après sa mort). Puis lui ou son successeur le transfère à Alexandrie entre 300 et 275 av. J.-C. Le quartier où se trouve la tombe est mentionné dans les textes. À l’époque romaine, plusieurs empereurs romains, dont Auguste, viendront d’ailleurs la visiter. Mais quelques siècles après, on perd sa trace. Les archéologues ne l’ont jamais retrouvée.
« Cependant, les textes sont muets : aucun ne relate qu’un roi macédonien se serait fait construire une tombe de son vivant » explique Miltiade Hatzopoulos.
D’autres commentateurs émettent l’hypothèse qu’il s’agisse d’un monument élevé à la gloire d’Alexandre le Grand, pour lui rendre un culte. C’est ce que les spécialistes appellent un hérôon. « Mais tombe et hérôon ne sont pas des notions incompatibles, précise Miltiade Hatzopoulos. Par exemple, la tombe [du fils d’Antigone le Borgne] Démétrios Poliorcète à Démétrias était en même temps un hérôon. C’est aussi le cas à Amphipolis, pour l’hérôon-tombe de Brasidas. Ce monument contenait bien un coffre funéraire avec les restes de Brasidas.. » Brasidas était un célèbre général de Sparte, du temps où cette cité disputait à Athènes le contrôle d’Amphipolis. À sa mort, les habitants d’Amphipolis le désignèrent comme le fondateur de la cité − en remplacement du précédent, un général athénien − et lui élevèrent un culte. Enfin, les commentateurs ont avancé cette hypothèse de hérôon à un moment où le monument d’Amphipolis semblait ne pas avoir de porte, qui fermait habituellement les tombes macédoniennes de cette époque. Mais les fouilles ont depuis mis au jour les débris d’une porte.
Plusieurs défunts ?
« Il existe des tombes surmontées d’un lion destinés à plusieurs morts, après une bataille par exemple » rappelle Miltiade Hatzopoulos. Cette hypothèse avait été soulevée il y a déjà longtemps pour l’origine de la statue du lion.