Le plus vieux pantalon du monde

Des archéologues ont découvert le plus ancien pantalon du monde à l’ouest de la Chine. Il a probablement été inventé pour pouvoir monter à cheval plus confortablement.

En principe, les plus vieux pantalons connus sont ceux du Néolithique, comme ceux portés par l’homme des glaces, Ötzi, vers 3200 ans av. J.-C. ou d’autres fragments plus anciens. Mais à vrai dire, ce ne sont pas tout à fait des pantalons. Des jambières plutôt, un peu comme celles, en cuir, que mettent les cowboys : il n’y a pas d’entrejambe. Or il ne viendrait jamais à l’esprit de ces derniers de les porter sans pantalon. Car sans entrejambe, point d’équitation. Sans la protection de cette pièce d’étoffe, la vulnérabilité de l’Homo sapiens mâle à cet endroit rendrait les longues chevauchées franchement incommodes.

Voilà pourquoi la découverte en Chine de deux véritables pantalons, muni de leur entrejambe, est importante. Non seulement parce que datés d’entre le XIIIe et le Xe av. J.-C., ce sont les plus anciens pantalons connus à ce jour. Mais aussi parce qu’ils sont clairement reliés à l’usage du cheval, qui s’est alors généralisé dans une grande partie des steppes d’Asie centrale. Ce qui suggère que ce sont des cavaliers qui ont inventé le pantalon.

Les archéologues ont découvert les pantalons dans deux tombes d’un très grand cimetière de plus cinq hectares. Ce dernier se trouvait en bordure du désert du Taklamakan, une région à l’ouest de la Chine, connue pour l’excellente conservation de ses momies et de ses textiles. Les archéologues ont examiné plus de cinq cents tombes jusqu’ici, qui appartiennent à des époques étalées sur plus d’un millénaire.

En fouillant une des tombes, les archéologues ont d’abord découvert deux corps, un femme d’environ 25 ans et un enfant avec des boucles d’oreille en or. Ils reposaient juste au-dessus d’un toit de roseaux et de rondins, qui fermait la chambre funéraire. En dessous se trouvait un homme, dans les quarante ans, entouré de très nombreux objets, en bronze, bois, or, pierre, coquillage, cuir et laine. Sa peau, ses cheveux et ses vêtements étaient plutôt bien conservés.

Son pantalon en laine, décoré de motifs en zigzag, se trouvait dans un état de préservation exceptionnel. Ce n’était pas qu’un vêtement funéraire. Lui ou quelqu’un d’autre l’a porté. Les chercheurs y ont en effet identifié de multiples traces d’usure.

Or ce pantalon semble entièrement conçu pour monter à cheval. En effet, la pièce formant l’entrejambe est particulièrement large. Bien plus que ne le requièrent les mouvements avant-arrière des jambes dans la marche à pied. En revanche, il permet aux jambes de bien s’écarter. D’ailleurs, les tailleurs de l’époque l’ont cousu en maintenant les jambes du pantalon écartées et non parallèles. Ce qui est exactement la posture d’un cavalier. En outre, l’entrejambe ne comporte pas de couture. Un détail important pour qui monte de manière prolongée : les frottements, à la longue, peuvent causer des irritations. Une raison qui explique aussi pourquoi, sans doute, la coupe est plutôt ajustée : il faut éviter les plis.

Pour le vérifier, les chercheurs ont pris le patron du pantalon, formé de trois pièces (deux jambes et une entrejambe). Ils en ont ensuite fait tisser une réplique à l’identique, et une personne l’a enfilé. Résultat : le pantalon peut facilement épouser la posture arquée du cavalier.

Les chercheurs ont observé exactement le même principe et le même patron sur l’autre pantalon du site, en lambeaux, qui date à peu près de la même époque. Visiblement, les tisserands qui ont fabriqués ces deux pantalons suivaient la même manière de faire. Ils tissaient les différentes pièces aux dimensions de son futur propriétaire. Le pantalon n’était pas retaillé.

L’autre élément qui renvoie aux chevaux est que les propriétaires des pantalons étaient sans doute des cavaliers. Le premier était en effet enterré avec une bride de cheval, richement décorée, fixée à une tige en bois. C’est le cas aussi pour l’autre pantalon. Le défunt à qui il appartenait était enterré avec une cravache, une queue de cheval décorée, un arc avec son étui.

Bien sûr, les hommes n’ont pas attendu l’invention du pantalon pour monter à cheval. Ötzi protégeait son entrejambe avec une sorte de pagne. Il est probable que les premiers cavaliers utilisaient un habillement analogue. Mais il est plausible que le besoin d’un vêtement d’une seule pièce, laissant les mouvements plus libres, se soit peu à peu fait sentir. À quelle date ? Difficile à dire, tant le nombre de textiles anciens provenant de cette région du monde est grande, et dorment dans des réserves, dans l’attente d’être analysés.

Nicolas Constans

  • La publication scientifique : U. Beck et al., Quaternary International Mise à jour : une autre publication analyse les teintures des pantalons et d’autres textiles du site, et donne des détails sur les tombes : [A. Kramell et al., Quaternary International
  • Les autres pantalons anciens. Il en existe d’autres, comme celui de l’homme de Cherchen, une impressionnante momie de la même région, ou dans l’Altaï en Sibérie. Mais soit les dates sont plus récentes de quelques siècles, soit elles s’en rapprochent mais sont douteuses, parce que reposant sur des estimations, des méthodes peu fiables (ou sur lesquelles on ne dispose pas d’informations). Ici, l’équipe germano-chinoise a daté directement la laine du pantalon.
    • L’homme semble avoir domestiqué le cheval deux mille ans plus tôt, au Kazakhstan, pour sa viande, son lait, et sans doute comme moyen de transport. Plus tard, vers 2500 ans av. J.-C., des populations commencent à adopter un mode de vie d’éleveurs nomades, où elles emmènent avec elles des troupeaux de chèvres et de moutons.

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