Les plus anciens dessins de constellations découverts en Grèce
Un chercheur américain a découvert une coupe grecque ornée des plus anciennes images symbolisant les constellations. Les universitaires cherchent actuellement à percer sa signification.
En 1922, l’Union astronomique internationale, réunie en congrès à Rome, arrête la liste définitive des constellations. Leur nombre est fixé, pour l’éternité, à 88. Peu ou prou, cette liste est basée sur celle, un peu plus courte, qu’avait livrée le poète grec Aratos de Soles au IIIᵉ siècle av. J.-C. En d’autres termes, ce sont les Grecs, empruntant vraisemblablement beaucoup aux Mésopotamiens, qui nous ont donné notre géographie du ciel.
Aujourd’hui, nous représentons le plus souvent les constellations par des traits joignant des étoiles. Mais au départ, les Anciens y ont reconnu des formes. Curieusement, nous n’avons pratiquement aucun dessin de celles-ci. Les seules représentations des animaux et des êtres mythologiques qui symbolisent les constellations n’arrivent que bien plus tard, à partir du IIᵉ siècle av. J.-C. Ils figurent sur trois globes antiques représentant le ciel, en métal ou en marbre. Avant, il n’y a que des textes.
Mais un jeune chercheur américain, John Tristan Barnes, vient sans doute d’en découvrir. Visitant le musée d’une petite ville du centre de la Grèce, il tombe sur une coupe en céramique. Elle est décorée d’animaux, se suivant à la queue leu leu sur son pourtour. Une simple frise animalière, explique l’étiquette de la vitrine. Mais le jeune chercheur est intrigué. Car tous les animaux qu’il voit lui semblent appartenir à des constellations. Or en 625 av. J.-C., date de la coupe, ce serait complètement inédit. Alors il se renseigne et obtient des autorités et des archéologues qui l’ont mise au jour une vingtaine d’années plus tôt de pouvoir l’étudier. À charge pour lui de confirmer son intuition.
Toutefois, identifier les animaux peints sur la coupe n’est pas si facile que ça. Car les dessins ne sont pas toujours très ressemblants. Heureusement, ils suivent les conventions artistiques du temps. Par exemple, l’un des animaux, doté d’une tête assez indéfinissable, est en fait une panthère ou un lion. Que l’on veuille bien pardonner les artisans grecs : de tels animaux ne couraient pas franchement les rues à l’époque.
C’est donc après un examen minutieux de chacun des dessins que John Tristan Barnes a pu dresser la liste des animaux de la coupe : un taureau, un lièvre (ou un chien), un grand chien, un scorpion, un dauphin, une panthère (ou un lion). Il en manque sans doute, car un tiers de la coupe a disparu.
Mais pourquoi s’agirait-il de constellations ? Les artisans grecs de l’époque représentent très souvent des animaux en frise sur les vases. Mais il s’agit en général de scènes, de chasse par exemple. Ici impossible de les rattacher à quoi que ce soit. Que fait un dauphin, par exemple, parmi tous ces animaux terrestres ? Quant au scorpion, les spécialistes ont plutôt l’habitude de le voir orner fièrement les boucliers des soldats grecs. Certes, il y a bien une partie de la coupe qui rappelle une scène de chasse. C’est celle où le grand chien semble en train de poursuivre le lièvre − si c’en est un. Mais alors, que vient faire le serpent près d’eux ? Bref, la logique de cette farandole animalière échappe un peu.
À moins de considérer que les « croix » qui parsèment la coupe sont des étoiles. Et que les animaux, ainsi placés dans le ciel, sont des constellations. Ce serait selon John Tristan Barnes, celles du Taureau, du Petit chien ou du Lièvre, de l’Hydre (le serpent), du Grand chien, du Scorpion, et du Dauphin.
« Oui, je pense qu’il s’agit bien de constellations : à la fois le bestiaire et la présence de ces croix/étoiles rendent l’interprétation très plausible » estime Arnaud Zucker, professeur de littérature grecque à l’université de Nice. Une opinion partagée par deux autres hellénistes consultés.
Ils sont plus réservés en revanche, sur l’explication donnée par John Tristan Barnes. Pour ce dernier, les constellations de la coupe scandent le rythme des saisons. En effet, les constellations ne sont pas toujours à la même place dans le ciel. De nombreux auteurs de l’Antiquité indiquent que la disparition d’une constellation, puis sa réapparition quelques mois plus tard, sont des signes qu’il faut engager des travaux agricoles, qu’il faut prendre une décision. Pour Barnes, l’apparition du Dauphin et du Lion serait liée aux travaux d’été, le Taureau à l’automne, etc.
« Mais pour arriver à ce résultat, il combine des moments où les constellations se couchent et se lèvent, à la fin ou au début de la nuit : il y a en fait beaucoup d’autres possibilités qui n’auraient rien à voir avec les saisons. Et rien ne prouve qu’il faille relier cette coupe à des cycles astronomiques précis » précise Arnaud Zucker. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de l’objet : cette frise de constellations à une époque aussi ancienne est fascinante. »
Nicolas Constans
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- Merci à John Tristan Barnes, Hélène Cuvigny et Arnaud Zucker
- La publication scientifique : J. Barnes, Hesperia, 83, 257‑276, 2014.
- L’ancien site internet des fouilles, en anglais (ne fonctionne plus).
Que signifie cette ronde des constellations ? Plus d’informations sur ce document inédit ici.